L'HUMANITE
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31 Octobre 98 - CULTURE

Rémy Tassou, cyberartiste

REMY TASSOU a suscité l'intrusion de l'imaginaire dans l'univers des composants de la micro-informatique, de la téléphonie ou de l'électronique, qui permet de libérer les structures classiques de leur assemblage. Dans un premier temps, il s'agit pour l'artiste de démonter des machines industrielles, afin d'en extraire la substantifique moelle: leurs composants. La démarche artistique se prolonge dans l'unification, le lien par une relation plastique de ces composants dans des sculptures murales ou des totems.

IBM 4869, Input, Laser, Rack, Dolby, Sodium ou encore Luminescence sont le résultat de ces travaux. Ces oeuvres sont élaborées dans des volumes en verre remplis de composants dont la classification est établie par natures et par coloris. 'Les matériaux concernés par le 'cybertrash' sont cernés, la limite entre ce qui est cybertrash et ce qui ne l'est pas étant extrêmement palpable. Le détournement d'objets demande une organisation nette, avec un facteur éliminatoire précis. Mon stock est véritablement vivant, en développement constant. Dans un hangar, j'ai ainsi accumulé des récipients de différentes contenances adaptés à la quantité de fragments que j'ai pu dénicher', explique le cyberartiste.

'Pour trouver six pièces identiques, des transformateurs par exemple, il m'en faudra au minimum une centaine. Il existe une sorte de protectionnisme de la part des industriels par rapport aux produits et aux matériaux qu'ils utilisent dans la mise au point de leurs machines. Ce qui rend le processus de regroupement fastidieux.'

Les oeuvres sont une accumulation rigoureuse et méthodique de tubes cathodiques, de disques durs, de disques vinyles, de lampes à vapeur de sodium, de déflecteurs, de moteurs d'appareils ménagers, etc. L'inspiration de l'artiste n'est pas nette et précise, elle passe par la phase du démontage, de la gestion du stock, de la création et de la finition. Il y a un côté empirique dans la conception de ses oeuvres, elles constituent chacune une étape esthétique et technique, qui appelle une inventivité consécutive et perpétuelle.

Rémy Tassou compare métaphoriquement sa démarche artistique à une balade en montagne. 'On commence à choisir le thème de la pièce comme on choisirait sa montagne. Ensuite on sort ses cartes avant de commencer l'ascension. C'est le même principe que de trier les composants que l'on va utiliser. Le sommet se voit dès le début de la course, puis on le perd dans les sous-bois, dans les chemins détournés, mais il reste le but à atteindre. La conception d'une pièce relève d'une approche identique, une progression lente mais rigoriste.' L'originalité de la recherche associée à un souci de perfection architecturale et à un soin sensuel apporté à la composition définissent sans aucun doute le 'cybertrash', un art qui suscite curiosité et enthousiasme.

SOPHIE BOUNIOT.

Exposition permanente à la galerie Arnoux, Saint-Germain-des-Prés, 24, rue Guénégaud, 75006 Paris.

Lundi 2 Novembre 1998