Dans la journée, Rémy Tassou, 44 ans, travaille dans la
finance. Mais la nuit tombée il déambule dans les rues de
Paris à la recherche de cadavres de micro-ordinateurs ou d'appareils
électroniques abandonnés sur le trottoir. Les machines qui
fonctionnent ne l'intéressent pas : "Je préfère
me pencher sur elles lorsqu'elles ont rendu l'âme, pour les dépouiller,
me nourrir de leurs entrailles et les libérer de leur chape cybernétique".
En clair, cet artiste "cybertrash" récupère des
milliers de composants et les relie les uns aux autres pour composer sculptures
murales et totems colorés.
"Je m'extasie sur leur beauté intérieure, car certains
composants frôlent l'orfèvrerie". On comprend mieux
pourquoi l'artiste rêve secrètement de pouvoir "trasher"
un satellite ou du matériel électronique militaire pour
lesquels l'or et le platine sont fréquemment utilisés. Pour
l'heure, Rémy doit souvent se contenter d'un vieil Apple ou d'un
PC 386. "J'ai l'impression d'effectuer un retour vers le futur
permanent. Ce que je ramasse appartient déjà au passé
et je vais sans doute devoir attendre une petite dizaine d'années
avant de trouver un écran à plasma ou un IMac sur le trottoir!"
Du coup, ses sculptures font aussi figure de "mémoire de l'électronique".
Une mémoire universelle.
"Je trouve de tout, des microprocesseurs singapouriens, portugais,
anglais, allemands, mexicains..."
On s'étonnerait presque que le seul artiste cybertrash sur Terre
soit un Français, car "le "made in France", lui
est quasi inexistant" souligne-t-il, amusé.
Julien Kostrèche
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